Vanités
Vanités s’inscrit dans la série de sculptures que Vincent Du Bois consacre à la perception du temps.
Dans la lignée du XVIIe siècle où crâne, bougies ou fruits gâtés participaient aux compositions de natures mortes où forces de vies et déclin étaient associés pour illustrer le cruel paradoxe de la vanité humaine au cœur du cycle des choses, l’artiste digresse sur ce thème du memento mori.
Pour la série Candelabra de Stone Touch, VDB crée un crâne de marbre en déformant légèrement la plastique et les proportions du squelette afin que des bougies puissent y être insérées. Ce candélabre associe ces deux aspects antinomiques que sont la présence de la pierre et celle de la cire, où squelette et chandelles jouent une même partition, entre mémoire figée et trajectoire fugace.
Pour Vanité Urbaine, l’artiste compose un memento mori en forme de bouquet de fleurs fait de parcmètres vintages. Cette nature morte urbaine recycle les anciens horodateurs individuels passés au rebut. C’est du temps contemporain qu’il est ici question. Le temps que l’on paie, témoins de nos sociétés capitalistes, où l’utilisateur loue un espace et un temps pour s’arrêter. La notion de vanité est ici appuyée par le geste de récupération de ces machines jetées, à la façon des fleurs coupées.
La perception du temps est un des thèmes de prédilection de VDB. « La Vanité », ce genre pictural souvent rattaché aux natures mortes de la Renaissance et de l’époque baroque comme symbole de l’inexorable marche du temps et de la condition humaine éphémère, est réinvesti par l’artiste et transposé à la sculpture sous différentes formes.
Vanité (série Candelabra pour Stone Touch) : marbre blanc CH Cristallina, 40x25x25 cm : Chandelles, bougies, cierges et autres cylindres de cire, qui nourrissent la flamme en échange de leur consomption, portent cette double fonction entre utilitaire et symbolique. Outre les capacités d’éclairer ou de réchauffer, la lumière et le feu remplissent des missions symboliques qui, en trompant l’ombre et l’obscurité, tantôt servent la connaissance, tantôt guident l’âme ou encore portent la mémoire. Remplacer le candélabre classique par un crâne permet ici de renforcer le rôle multiple de la bougie. Squelette et chandelles jouent ici cette même partition entre mémoire figée et trajectoire furtive. Servi par le matériau pierre, la constance minérale contraste avec la dimension transitoire de la cire.
L’os en glace (« frozen water bone ») ou « l’arc-à-ricochets » évoquent, eux, le paradoxe de systèmes à la fois fragiles et stables, à l’image de la complexe et mystérieuse organisation de la matière qui tient la vie en équilibre. Les ondes éphémères et parfaites du ricochet expriment la rigueur abstraite du geste alors que l’os figé dans la glace n’est que de l’eau.
« Bouquet urbain » est un memento mori contemporain qui transpose les codes de la vanité classique vers un arrangement floral urbain. Avec ces sept horodateurs recyclés et disposés comme un bouquet de fleurs coupées, c’est le temps contemporain qui est mis en scène. Un temps que l’on paie, un espace que l’on loue. Une nature morte donc, car constituée d’objets récupérés de la casse, et à la fois une expression capitaliste du temps qui passe.
Vita fugit sicut umbra. Les travaux sur les vanités tirent souvent chez VDB leur inspiration des citations classiques que les romains gravaient sur leurs cadrans solaires. La vie passe (fuit) comme l’ombre est un exemple de cette série d’installations aquatiques. Une plaque métallique au texte perforé est placée au fond d’un canal qui passe sous un petit pont. Avec le temps, les algues du fond du canal se forgent un passage dans l’inscription évidée et reproduisent la citation en ondulant au rythme de l’eau qui court. Ainsi coiffée par le courant, l’inscription végétale semble se dématérialiser, accentuant la dimension passagère de la condition humaine.