Ephémère & infini
La question de la perception est au cœur de la série éphémère & infini. Traduttore traditore dit l’expression italienne, qui résume parfaitement le phénomène de distorsion liée à la perception. Traduire c’est en effet trahir puisque notre compréhension du monde ne peut que passer par l’interprétation que chacun s’en fait via ses filtres perceptifs.
Qu’il s’agisse de nos sens ou de notre esprit, nos corps nous offrent un riche attirail d’appréhension de notre environnement. Cependant ce complexe outil perceptif est aussi un filtre qui induit une interprétation. L’interprétation est donc une dimension incontournable de notre condition de vivant. Avec Ephémère & infini VDB a mis en place différents sous-groupes de réflexions qui tous s’interrogent sur le décalage entre réalité et traduction de la réalité inhérent à notre perception des choses.
Moon and Guns
Moon and Guns et autres Objets monstrueux (marbre blanc Carrare)
Travail sur le thème de la conscience développé avec le CISA (Centre interfacultaire des sciences affectives, Unige, Campus Biotech), basé sur la théorie du Pr David Rudrauf (Théorie de la conscience projective).
Principe : Figer un objet sous un angle de vue précis et lui appliquer la logique projective de l’angle en question. Le résultat est un objet 3D déformé qui n’est juste que du point de vue de l’angle de vue unique offert aux visiteurs, mais « monstrueux » dans sa globalité. Ainsi, chaque spectateur peut en quelque sorte tourner autour de sa propre perception en marchant autour de l’objet, et ainsi se détacher de sa propre projection. Une ombre portée projette une silhouette de l’objet non déformé. Par le jeu entre la réalité et sa projection (l’objet et son ombre), il est ici fait allusion au Mythe de la Caverne de Platon. Mais contrairement aux prisonniers de Platon qui prennent les ombres pour de vrais objets extérieurs, avec cette proposition c’est l’ombre qui dit la vérité. Ici, en effet, l’ombre (ou la projection de l’objet) est plus fidèle à la réalité que l’objet lui-même. (* pour en savoir plus, voir la description dans le lien de l’exposition ci-joint).
Les pistolets sont des objets qui reposent sur le mécanisme même de la fonction du pistolet, à savoir l’analogie entre projectile et projection. L’écart entre le coup et l’impact est assimilé à celui qui se produit entre la réalité et sa perception. Ce mécanisme de décalage incarne ici le phénomène de transformation que la conscience opère lorsqu’elle construit une image de la réalité.
Les lunes sont des objets construits sur le phénomène de « l’illusion de la lune », un phénomène perceptif encore mal connu et où la taille et parfois la forme de la lune changent. Avec sa face cachée, le phénomène « Moon illusion » représente un espace riche de créativité et de poésie où s’ancrent une infinité de mythes et de représentations. Ici par exemple la sculpture prend une forme elliptique proposant de revisiter la symbolique de l’œuf et le mythe des origines.
Equations impossibles
Equations impossibles : Tout comme la série Rings, ces installations s’intègrent à travail plus large qui utilise le thème de l’Univers pour proposer des visualisations de l’infini. Mais plutôt que d’utiliser la notion d’échelle entre le fini et l’infini, la série des équations impossibles propose de mettre en scène l’absence de centre. La science nous dit que l’infini n’a par définition pas de centre, puisqu’ il est partout. Notion difficile à concevoir pour l’esprit humain, mais notion qui montre à quel point notre besoin de représentation est une dimension inhérente à notre conscience. L’approche choisie par ces installations confronte la notion d’espace à celle de temps en exploitant l’exemple de l’Univers, qui, s’il a une expansion possiblement infinie, a aussi un déroulement temporel. Ainsi si l’on remonte le temps jusqu’aux origines de l’Univers (Big Bang) on se retrouve avec un point. Où se situe ce point ? Dans un autre espace ou l’espace est-il contracté dans ce point ? Question insoluble car il est très contre intuitif de ne pas associer un lieu à ce point de départ. C’est ce que mettent en scène les équations impossibles qui montrent des spirales sans centres et qui figent un processus aux apparences logiques, mais qui s’avèrent vite mystérieux, voir impossible quand on tente de reconstituer l’origine de ces mouvements figés. Comprendre l’origine des choses à la lecture du présent en retraçant des évènements visibles est un phénomène typique de la pensée humaine. C’est une logique qui présuppose d’événements antérieurs effacés qu’il convient de reconstituer. La quête des origines est probablement une quête identitaire qui a hanté depuis la nuit des temps les domaines notre pensée symbolique (art, science, philosophie et religion). Notre imple présence implique un processus chronologique qui, lorsqu’on le remonte, mène à nos origines. Cet exercice est le moteur de l’inlassable question qui se heurte au mur du mystère de l’immensité silencieuse dans laquelle nous sommes plongés. Dans cette série d’ installation, l’absence de centre devient le symbole de l’inaccessible origine. Comme pour l’Univers, un centre qui serait partout contourne la nécessité de point de départ. « Pourquoi y aurait-il quel chose plutôt que rien ?» dit Hubert Reeves, une proposition qui contourne toute idée de créateur. Le vide comme absence de vérité est aussi une allusion à la dimension athéiste du travail de VDB.
L’esthétique et les matériaux rustiques choisis pour ces installations reprennent le langage de la série Pendules, où des silex (objets archaïques) symbolisent les origines de l’organisation de la matière.
Adam & Eve
Travail qui s’inscrit dans la continuité des recherches précédentes sur la perception et le rapport à l’infini et qui s’appuie sur un alphabet de symboles destinés à ramener les choses à leur plus simple expression. Concrètement le thème Adam & Eve est ici un prétexte pour illustrer le dialogue qui s’installe entre la réalité et la perception. Dans ce travail seuls deux symboles, la droite et la courbe, s’associent pour composer des formes. La droite symbolise l’infini et la stabilité inerte du néant, alors que la courbe incarne le mouvement, l’interprétation, la vie. Toutes les sculptures de cette série s’évertuent à montrer l’inaccessibilité directe de la réalité et la nécessité de la traduire pour la comprendre. La droite est ce fond imperturbable qui nous préexiste et qui est insensible à notre présence, alors que la courbe est une illusion et une construction mentale qui se saisit du néant dont nous sommes issus pour la reporter à notre échelle. La courbe est donc ce geste qui ramène la droite dans le giron de notre compréhension. A cette idée de mouvement s’ajoute un jeu entre horizontal et vertical (cf travaux Rising Rings). La droite est associée à la platitude et à l’étendue horizontale, alors que la courbe inscrit un arc dans l’espace qui relève et ramène les choses à nous. Ce travail implique un principe humano-centré qui ne permet de définir l’Univers qu’au travers des limites de notre interprétation. Dans cette proposition la droite n’existe pas car elle courbe à l’infini. La droite n’est donc que l’extrait d’une courbe géante inaccessible à l’échelle humaine. Enfin, il faut voir dans ce dialogue entre courbe et droite un jeu de complémentarité et d’interdépendance. Ici, paradoxalement c’est la courbe fait exister la droite, puisque sans interprétation la réalité reste inaccessible.
Les David
(photos Stefan Vos)
(installation, 20 statuettes sur socles et 20 tirages N/B 60×45 cm).
Travail qui met en évidence les déformations liées à l’interprétation. Vingt statuettes du David de Michel-Ange achetées dans les boutiques souvenirs du marché de Florence ont été photographiées puis agrandies (les têtes seules) à la même dimension que l’œuvre originale. Ces statuettes, souvent signées et de dimensions variables (entre 20 et 40 cm), sont toutes nées des mains de sculpteurs plus ou moins réputés qui ont dû reproduire le David original à une dimension réduite. Chaque sculpteur a donc été contraint de remodeler, et donc de traduire, en petit l’œuvre de Michel-Ange de près de 5m de haut, avec comme seuls outils son œil et ses mains. La variété des portraits tirés de ces petits modèles ramenés en photo à la taille réelle du vrai David parvient à saisir de façon ludique et efficace les aléas interprétatifs auxquels chaque artiste a dû faire face.
Ensemble de travaux qui marque le début des réflexions sur la question de la perception et le rapport d’échelles que nous entretenons avec l’infini. Mais ici c’est le temps plus que l’espace qui est le sujet central. Les symboles de la courbe et de la droite sont déjà présents mais cette fois pour tenter de visualiser notre rapport au temps. Le temps infini versus la vie éphémère installe cette même idée d’interdépendance décrite dans d’autres travaux (Pendules, Rings, etc). Le fugace vivant permet de donner un sens, un rythme, voire une chronologie au temps inerte et infini. Le temps seul existe-t-il ? La vie le révèle-t-elle ?
Sand Spiral
Ici, la notion de spirale, vision orientale du temps, s’oppose à la droite, vision occidentale du temps. Le sable inerte, mut par ce dispositif fabrique des spirales. A chaque révolution de nouveaux anneaux de sables effacent et recouvrent les anciens. A la façon des cycles qui rythment la nature (saisons, planètes, etc.), via sa confrontation à la matière, le temps se laisse modeler et remodeler.
Eye frame, Sail Ring, Venus
Jeu de courbes et de droites qui intègre une zone de projection, à savoir un espace de représentation dématérialisé. Miroir, vasque d’eau, voile réflective, sont ici autant de réceptacles de la perception. Chacun de ces dispositifs montre un extrait capté et déformé d’une réalité plus grande. Chaque reflet est donc aussi le résultat du mélange entre notre propre projection et celle de la réalité.
Ephémère & Infini
Travaux initiaux sur les symboles de la courbe et de la droite et qui détaille l’abstraction de l’effort perceptif qui courbe l’univers pour le ramener à notre échelle. Un travail qui opte pour le minimalisme et qui se concentre sur la traduction de l’étendue infinie vers une visualisation possible via la transformation de la droite vers la courbe.
Cycles & Balances
Série de sculptures qui reprend les jeux abstraits des courbes créées par le jeu perceptif et qui tente de le ramener à des représentations figuratives. Appliquer ces segments cintrés au corps, signifie ramener l’abstraction perceptive là d’où elle vient, c’est à dire à l’humain. Les cycles et les courbes cherchent ici à tracer des équilibres comme des dessins qui dance dans l’espace et mettent en valeur le mouvement seul, comme symbole de vie.