Pour Vincent Du Bois, les techniques de la main servent à créer des oeuvres contemporaines et pas seulement à perpétuer un art ancestral.
Des bruits de coups de marteau sur un burin, une fine poussière blanche qui se propage dans l’air. Ici des statues monumentales, là des pierres éparses… Aucun doute, nous sommes bien dans l’atelier de Vincent Du Bois.
Dans ce lieu hors du commun on sculpte la pierre depuis plusieurs générations. « Mon arrière-grand-père était sculpteur de pierre, détaille le Genevois. Il a quitté le nord de l’Italie pour venir exercer ici à Genève, près d’un cimetière, un lieu où il y avait encore à l’époque du travail pour les sculpteurs. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. »
Cet espace, maintenant, c’est celui de Vincent Du Bois. Il est l’un des trois sculpteurs de pierre que compte Genève. « En restauration, il y a beaucoup de travail, explique-t-il. Il suffit de lever les yeux et de voir que la plupart des façades en pierre ou des balcons sont sculptés. » Mais à l’atelier Cal’as on ne fait pas que perpétuer un savoir-faire ancestral… Ici, les techniques de la main servent aussi à la création contemporaine.
« Je suis devenu artisan parce que en tant qu’artiste je voulais être capable de réaliser mes propres pièces », développe Vincent Du Bois. Ce n’est qu’après une formation aux beaux-arts qu’il réalise son apprentissage de sculpteur sur pierre. « Après ça, je suis allé à Carrare, en Italie, dans les ateliers où l’on fait des copies de musée. J’ai terminé ma formation par un master à l’Université de Chicago. » Vincent Du Bois est aussi intrépide qu’ambitieux.
Celui qui tient pour modèle Michel-Ange a poussé loin ses connaissances artisanales.
Une façon d’exceller dans la création d’oeuvres contemporaines.
Certaines de ses pièces sont aujourd’hui visibles dans les galeries d’art les plus chics et même au cimetière des Rois de Genève où il a monté, avec d’autres artistes, une exposition temporaire pour réhabiliter l’art dans les lieux funéraires.
Parmi ses dernières créations, une main géante de plus de 2 mètres de haut qui aborde le débat entre la matière et le virtuel. Elle a la particularité d’avoir été partiellement taillée par une machine qui lui a donné un effet pixelisé… Tout un symbole. « J’ai publié un livre qui s’appelle La main et l’art contemporain. J’y parle notamment du boom numérique qui, bien qu’ouvrant sur de nouvelles perspectives, éloigne du savoir-faire de la main et du lien direct à la matière. »
Le Genevois met également en avant cette opposition entre artiste et artisan. Un sujet qui occupe nombre de ses réflexions. « Dans le milieu de l’art contemporain, il n’est pas bien vu d’avoir les mains calleuses d’un sculpteur de pierre. La vieille hiérarchie entre intellectuels et manuels est difficile à gommer. »
Vincent Du Bois, lui, se considère résolument comme un « électron libre ».
MM21 . 22 mai 2017
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